Mathura P. Shrestha, médecin retraité, est l’ancien président du Forum pour la Défense des Droits de l’Homme au Népal. Il fut également ministre de la Santé dans le gouvernement intérimaire de 1991. Rencontre. Publié sur Liberté! Amnesty International Belgique Francophone
Quelles sont les différences entre le combat populaire en faveur de la démocratie des années 1990 et les évolutions actuelles ?
La différence réside dans l’expérience des gens. Lors de la révolution démocratique de 1990, la population n’excluait pas la possibilité d’une monarchie constitutionnelle. Aujourd’hui, cela serait impossible. Les gens ne tolèrent plus l’idée de monarchie, sous quelque type que ce soit. Ce qu’ils veulent, c’est une république. À l’époque, les gens souhaitaient des institutions démocratiques, le respect et la reconnaissance des droits humains, l’amélioration des conditions économiques et sociales, l’accès à l’éducation et aux soins médicaux… Aujourd’hui, la population exprime certes les mêmes revendications, mais une prise de conscience s’est opérée et les Népalais sont plus déterminés qu’auparavant à obtenir ce qu’ils veulent.
Cette prise de conscience signifie-t-elle une participation accrue de la population ?
En 1990 aussi bien qu’en 2006, la participation de la population a été massive, mais je dirais qu’en 2006, la participation a été vingt fois supérieure. Dans les années 1990, le mouvement ne concernait que la capitale et les villes principales du pays. Cette fois, presque tous les villages du pays se sont soulevés. À cause de mon rôle actif dans la société civile, j’ai été incarcéré ; je me rappelle que, de la fenêtre de ma cellule, je pouvais voir la foule manifester dans les rues. C’était extraordinaire, les gens venaient manifester avec leurs outils et leurs animaux. Il y avait des gens de toutes les cultures et de toutes les régions du Népal, et beaucoup de jeunes. En fait les jeunes sont les acteurs principaux de la deuxième lutte populaire.
Les violences observées pendant la campagne électorale n’auraient-elles pas pu miner la crédibilité des élections ?
A cause des excès de la Ligue de la Jeunesse communiste (YCL), les maoïstes ont perdu beaucoup de crédibilité. Toutefois, il faut admettre que les maoïstes ont joué un rôle fondamental dans le réveil des consciences. Les Népalais avaient déjà une conscience politique, mais les maoïstes y ont accordé plus de valeur en se montrant manifestement à l’écoute des demandes de la population. Certes, j’ai été membre du Parti communiste. Cependant, avant d’être communiste, je suis un membre actif de la société civile et je ne peux pas admettre que l’on recoure à la violence pour atteindre des objectifs politiques.
Quel sera votre rôle dans la nouvelle période qui se profile ?
Dans le cadre de mon travail de médecin et de militant, j’ai visité les régions les plus isolées du Népal. Je suis convaincu de l’importance de la participation de la population dans le processus de prise de décision. La population a toujours soutenu le processus démocratique, mais il y a eu trop de violations commises par des partis soi-disant « démocratiques ». Cependant, le rôle de cette société civile n’est pas de diriger un mouvement politique, mais plutôt de veiller à ce que les partis politiques respectent leurs engagements politiques et sociaux, se comportent correctement et soutiennent le peuple dans sa lutte pour l’émancipation démocratique.
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